#Roman
Un bijou de douceur, de poésie pour raconter comment on quitte le nid...
Bérengère COURNUT
Zizi Cabane
Zizi Cabane, Béguin et Chiffon sont les trois enfants de Ferment et Odile. Il n'y a que cette dernière qui ait un prénom "normal". C'est que les autres ont tous été rebaptisés pour porter un prénom qui leur ressemble vraiment. Mais pas Odile. Odile, c'est un prénom déjà trop doux. Et pourtant, c'est elle qui part. Un jour Odile disparaît, laissant une petite famille endeuillée dans une maison où l'élément liquide devient de plus en plus présent chaque jour. Un ruisseau semble s'être installé et imbibe tout, tout doucement. Ferment, le père, se lance à corps perdu dans les travaux pour installer sa petite tribu au sec: il éponge, colmate, monte des cloisons, se démène et se perd au fur et à mesure. Et un beau jour, surgit un vieil homme, Marcel Tremble, qui se dit père d'Odile. Il offre un hébergement sain à cette famille pas tout à fait comme les autres. Puis c'est au tour de Jeanne, la soeur d'Odile de venir s'installer. Les saisons passent, les enfants grandissent, chacun avec leur particularité: Béguin (surnommé ainsi parce que ses parents sont tombés amoureux de ce premier enfant mis au monde), élève studieux veut intégrer l'école navale, Chiffon (enfant très doux) cartographie le monde autour de lui sur des morceaux de tissus et Zizi Cabane (je vous laisse découvrir l'explication de son surnom), la petite dernière de la fratrie vibre d'émotions, fait des rêves étranges où il est toujours question d'eau, de courant, d'ombres et de lumières...
On suit donc cette petite famille pas tout à fait comme les autres. C'est un roman poétique, empreint de réalisme magique, dans lequel les voix alternent. Au lecteur d'être attentif pour comprendre qui parle. Et il y a régulièrement la voix d'"O"... une seule lettre, très évocatrice, dont les propos ressemblent à de la prose poétique; "O" qui enveloppe, berce, agite les différents membres de cette famille et parfois se fait sentir avec force. On voit Ferment creuser la terre de la cave, dévoré par une étrange fièvre qui le pousse même à la manger. Et ses étudiants de s'inquiéter de toute cette terre accumulée sous les ongles, de son air de fantôme qui ne se remet pas du départ de sa femme. Il lui parle d'ailleurs, beaucoup, à sa femme. Et puis un peu moins quand Marcel Tremble s'installe avec eux et veille sur le potager et la tribu. Et encore un moins quand Kadiatou entre dans sa vie... mais chut... écoutons et observons ces enfants grandir, prendre de l'assurance, se réfugier dans le silence, se sentir pousser des ailes, avoir envie de quitter le nid, s'interroger sur ce que c'est que l'amour maternel quand on a perdu les souvenirs de sa mère... Et surtout, regardons Zizi. Car c'est elle l'héroïne de ce très beau roman qui porte son nom. Zizi qui voit ses ailes pousser et ressent tant le besoin de partir et d'aimer...
C'est un roman à la fois léger, tendre et puissant car il évoque avec des mots simples des choses profondes. Il touche à la spiritualité, questionne notre lien à la nature, aux forces qui nous dépassent, interroge l'amour au sein de la famille et hors d'elle, notre capacité à nous construire, à accueillir l'amour à nouveau, après la perte. Avec fantaisie, humour et bienveillance, Bérengère Cournut se fait conteuse et nous emporte avec elle sur le chemin de la vie.... Bravo!!!