Veiller sur elle

Veiller sur elle fait partie de ces romans qui vous happent, vous absorbent, où il fait bon se laisser emporter, être submergé par les émotions. L'idée de l'achever trop vite vous angoisse. On sent qu'il faut savourer chaque instant tant la perspective de le finir trop vite vous saisit dès les premières pages.

Il y a dans ce quatrième roman de Jean-Baptiste Andrea un souffle romanesque impressionnant. L'auteur s'y fait conteur, peintre, sculpteur, artiste, magicien. Ses personnages sont sculptés avec force détails et les quelques 570 pages du roman servent une fresque grandiose, sans jamais lasser, sans longueur. Quelle force! Quel talent!

Et c'est ce dont il est question dans ce livre: le talent, l'art d'être qui l'on doit être, qui l'on a choisi d'être. Etre regardé et admiré quand on mesure 1,40m, être sculpteur en Italie quand on s'appelle Michelangelo, être riche quand on est né sans le sou, être une femme dans une société où votre rôle est bien délimité, être libre, indépendante, être une "femme debout", être homme d'église dans l'Italie fasciste, aimer et mentir, aimer et mourir...

L'ouvrage s'ouvre sur une vie qui s'achève. Un homme est à l'agonie, veillé par un prêtre dans un lieu saint où il s'est retiré voici quarante ans. Le temps de son agonie, il nous livre les secrets de son existence. Et le plus grand de ces secrets est celui qui entoure son chef d'oeuvre, le dernier, la fameuse Pieta que l'on a soustraite à la vue du public et enfermée dans une armoire au Vatican. Le lecteur ne percera le mystère qu'à la toute fin de l'ouvrage... Ce sculpteur, c'est Mimo, Michelangelo Vitaliani. Et sur son chemin, il a rencontré Viola Orsini, sa jumelle cosmique, son guide, sa lumière. Ce binôme fraternel, ce duo d'amis va sans cesse s'attirer, se repousser, se retrouver pendant un demi siècle. Quand Mussolini arrive au pouvoir, Mimo accepte des compromis pour voir sa carrière décoller enfin, et se dresse face à lui "L'Ourse" Viola, qui, elle ne fait pas de concession, reste debout, intègre et libre.

Amitié, promesse, trahison, espoir, renoncement, amour incommensurable... il y a tout cela dans ce livre. C'est un roman magnifique, d'une richesse incroyable, une fresque grandiose et très cinématographique. On pense aux grands conteurs comme Philippe Grimbert, Laurent Gaudé, (et pourquoi pas Victor Hugo?) aux films dans la veine de Il était une fois en Amérique... Un énorme coup de coeur!

[Laure]