Théorie de la disparition

J'ai tout aimé dans ce dernier roman de Séverine Chevalier. La couverture, la discrétion de son autrice, sa plume singulière et tellement délicate, l'originalité de cette histoire de disparition. Une très jolie découverte qui m'a donné envie de lire ses ouvrages précédents.

La narratrice, dans un style qu'elle qualifie elle-même à un moment de "purement administratif", raconte son existence d'être invisible. A 69 ans, mariée à Amaury, un écrivain célèbre dont elle gère depuis longtemps la carrière et le quotidien, elle fait en sorte que son époux ne se préoccupe que d'écriture. Elle gère les corvées du quotidien, la lourdeur des dossiers administratifs, choisit les meilleurs salons, les résidences d'écriture, organise tout, sans attendre jamais de reconnaissance. Elle est là, partout, tout le temps, mais dans l'ombre. Elle n'a jamais exprimé le moindre désir, émit le moindre souhait, la moindre velléité, se contentant du bonheur de voir son mari épanoui quand il est courtisé par la presse et ses admiratrices, quand il rencontre ses homologues féminins.

Mais un jour, elle tombe sur des "lèvres épaisses et pâles" dans un restaurant, le veille de la résidence d'écriture et tout bascule. Un choc. Une déflagration. Un changement opère alors en elle. Elle va disparaître. Ou plutôt, faire "sécession"... et c'est uniquement à ce moment-là que le lecteur découvre son prénom.

Elle opère des va et vient dans le temps, raconte des bribes de son enfance. Une famille marquée par la tragédie d'un grand-père déséquilibré. Sa vie à Saint-Etienne, son emploi dans l'administration...

Théorie de la disparition est une réflexion sur le pouvoir de l'écriture qui permet la réappropriation de soi. Quand on pense n'être personne, on n'a pas idée d'exister et surtout pas celle d'écrire pour raconter sa vie. C'est pourtant cette voie que va emprunter notre narratrice... pour notre plus grand bonheur!

C'est un roman singulier, subtil, envoûtant, infiniment juste et poétique!

Un grand merci à Séverine Chevalier! Longue vie à elle!!!

[Laure]