Nos coups de c½ur

#Roman

Un premier roman à la conquête de l'ouest des paumés...

Terres promises

Bénédicte DUPRE-LATOUR

Terres promises

Les Editions du Panseur - août 2024
Prix : 22.00 ¤
9782490834211

Plus qu'un roman choral, c'est une galerie de portraits à l'époque de la ruée vers l'or. Bénédicte Dupré-Latour convoque toute l'imagerie du western traditionnel, s'appuie sur ces images des grandes plaines américaines véhiculées par les films que tout le monde a vus, les BD que l'on a tous lues (Blueberry, par exemple) et nous emmène vers autre chose. Terres promises est un premier roman puissant et très bien écrit, qui vous harponne dès les premières lignes. On y lit les destins de différents personnages parmi lesquels la prostituée Eleanor Dwight, l'indienne Kinta, Morgan Bell le chercheur d'or, l'indien Bloody Horse qui rêvait de prendre pour épouse la belle femme blanche aux longues tresses , Rebecca Strattman ou encore le père Mulligan qui perd la foi du jour au lendemain, ou bien Mary Framinger, l'infirmière obsédée par les cadavres. Qui sont-ils ? des hommes et des femmes perdues dans cette folle aventure où tout n'est que chaos et violence.

C’est le « Royaume des mendiants », des crève-la-faim égarés sur une terre hostile qui ne les attend pas. La ruée vers l’or est un échec monstrueux et lamentable. Alcoolisme, prostitution, viol, cannibalisme, homicides en tous genres, corruption, cupidité, jalousie, soif de pouvoir, vengeance, fanatisme, manipulation, perversité, famine, maladie… voilà donc quelques échantillons de l'espèce humaine. Bénédicte Dupré-Latour fait se débattre dans cette boue des personnages incroyables, qui pourvu d'une force morale incroyable, qui animé d'un désir de vengeance dont la flamme ne vacille pas, qui poussé par la folie de l'or, qui encore emporté par une foi sans limites...

 

L’autrice nous plonge dans une humanité complexe où le danger est en chacun de nous. Et elle pointe du doigt notre responsabilité dans l’appropriation des terres des indigènes, dans l’aliénation du corps de l’autre en général, celui de la femme en particulier.

 

Il est très savoureux de découvrir au fur et à mesure les liens qui unissent ces différents personnages. Seul Eliott Burns nous donne à entendre sa voix au travers de lettres adressées aux différents membres de sa famille. L’autrice joue avec malice avec les points de vue narratifs. Elle brouille les pistes en passant d’un narrateur interne (les lettres d’Eliott) à un narrateur externe (les autres « chapitres » retraçant les histoires des autres personnages)/

 

Chaque chapitre se clôt par une espèce de chute, à la manière des nouvelles. La fin est rude, toujours.

 

C’est à la fois violent, fascinant et beau. L’autrice a semé ici et là des phrases qui sonnent comme des refrains, des ritournelles qui viennent rythmer le récit.

 

On trouve dans ce premier roman, une grande force narrative, une maîtrise certaine dans l’enchaînement des actions, dans l’entremêlement des fils narratifs. Certains ont parlé de « brodeuse » à l'endroit de l'autrice et je les rejoins car il y a ici beaucoup de finesse, de délicatesse, de précision. On sent bien que rien n’est laissé au hasard et ce qui fait la force et la beauté de ce texte.

Une très belle découverte et un premier roman à soutenir!!!

[Laure]