Tasmania

Paolo, notre narrateur physicien de formation devenu journaliste (sorte d'alter ego de l'auteur, lui même journaliste scientifique) débute son récit avec la COP21, à Paris, en novembre 2015.

Son couple, en crise, le pousse à étudier des maux plus globaux de notre monde. Peut-être pour s'aider à relativiser et affronter ses propres problèmes.
Tout au long du roman, Paolo s'entoure de personnages peu commun, fascinants, sensibles, lâches, courageux qui chacun dans son domaine tente de faire un éclairage sur notre univers.
Physiciens, globes trotteurs, aventuriers, un climatologue spécialiste de l’étude des nuages, (c'est d'ailleurs avec lui que l'épisode révélateur de la place des femmes dans le monde scientifique se déroule et met en lumière le retard et l'énorme progrès à faire pour que les mentalités évoluent. Y compris dans les milieux de "cérébraux".) Il y a aussi une journaliste reporter de guerre intrépide à la langue bien pendue et enfin un prêtre qui tombe amoureux.
Les personnages sont tour à tour acteurs et spectateurs face à des crises tantôt personnelles, globales, éthiques ou politiques et écologiques.

Cet entourage d'antihéros un peu cabossés, certes, mais tous brillants, n'aide pas forcément notre narrateur qui ne parvient pas à aboutir son grand projet : écrire son livre sur la bombe atomique et ses conséquences. L'auteur amène donc Paolo à Hiroshima puis à Nagasaki et c'est là, les pages les plus bouleversantes de ce roman. Giordano va choisir de raconter ces événements pourtant innommables à partir du témoignage d'un survivant, ce qui s'est passé lorsque ces deux bombes atomiques ont été larguées sur des civils sans défense. Les conséquences, terribles, inimaginables, les radiations … un épilogue puissant.

Paolo Giordano réussi l'immense pari de traiter de toutes ces menaces dont la source est souvent humaine (tout comme son remède), sans plomber le lecteur ou le plonger dans une inquiétude angoissante. Même les éco-anxieux peuvent y trouver un apaisement.
Entre science et poésie, une écriture contemporaine et fiévreuse qui se passe de message moralisant.
L'auteur capte l'air et les radiations du temps, inspire et expire le monde, le décrypte, le cartographie. Il s'agit de comprendre, d'ouvrir les yeux sur la réalité pour avoir moins peur et agir.
Trouver sa place dans tout ce bordel et tenter de se construire un avenir.
Trouver sa Tasmania.

(Tasmania, qui désigne le lieu où Novelli, le climatologue, choisirait de se réfugier en cas d'apocalypse.)

[Annette]