Silent Jenny

Dans un futur dévasté où les insectes pollinisateurs ont disparu et où l'humanité erre à bord de vaisseaux géants, des "monades", Jenny se lance dans une quête impossible : retrouver l'ADN des dernières abeilles pour reconstruire un monde perdu. 

Mathieu Bablet orchestre cette odyssée fragile avec une maîtrise saisissante. Ici, panoramas vertigineux, architectures de métal et de rouille contrastent avec la délicatesse du vivant et composent une symphonie visuelle d'une intensité rare où la poussière, l'oxydation et les gravats se font mélancolie organique.

La narration visuelle s'amuse des échelles, passe du monumental au minuscule et nous emporte avec elle. Narration visuelle, oui, car l’œuvre porte bien son titre : le silence est d'or, et le récit laisse résonner les gestes, les espaces désertés, la solitude de l'héroïne. 

Pourtant, autant que de solitude et de survie, c'est aussi de résilience et d'entraide qu'il s'agit. Bablet transpose ses questionnements sur notre société et notre humanité, déjà importants dans le très dystopique Shangri-La ou le transhumanisme de Carbone et Silicium, vers un horizon plus ouvert et contemplatif. 

Voilà un sommet dans la bibliographie de l'auteur, qui parachève avec succès sa trilogie SF. Un one-shot magistral de plus de 300 pages, tranche cousue de rouge, qui captive par sa beauté graphique, bouleverse par ses silences et invite, avec une douceur grave, à repenser notre lien au vivant !

[Florian]