SEYVOZ

Avec ses deux voix, ce roman de 100 pages soulève de grandes questions existentielles, politiques et sensorielles.
Inspiré par l'histoire du village de Tignes où la construction d'un barrage hydraulique dans les années 50 a donné lieu à un chantier colossal et la création d'un immense lac artificiel sous lequel le village entier a été enseveli, et ce, malgré la résistance de la population locale de l'époque.
Maylis DE KERANGAL et JOY SORMAN réveillent et questionnent un traumatisme qui fut aussi présenter à l'époque comme un cadeau de la modernité ... Le Progrès et la fée électricité dans nos foyers !
Une de ces deux voix est celle du présent avec Tomi MOTZ, ingénieur désabusé et solitaire, envoyé par son entreprise dans le village de SEYVOZ afin de vérifier l'état du barrage hydraulique construit en 1952 et le texte est imprimé en noir.
La deuxième est celle du passé, avec des détails du chantier (des passages entier décrivant la composition du béton et la mise en œuvre de la construction du barrage, l'évacuation du village, une mère qui laisse partir son fils pour qu'il trouve un emploi sur le chantier, un très beau passage sur le sauvetage des trois cloches de l'église etc. ) cette voix est imprimée en bleu.
Un va et vient entre le présent et le passé qui s'éclairent mutuellement.

Sans parti pris mais non sans soulever de grandes questions philosophique et politique les deux autrices tissent une œuvre bicéphale.
captivante et qui amène la réflexion.

Les passages en bleu ravivent une mémoire et un traumatisme passé, pose des questions sur ce qui fait l'identité d'un village, d'une communauté (cf p22 citation ?)
Sur comment l'humain peut réagir fasse à une catastrophe annoncée à l'inverse d'une catastrophe naturelle qu'on ne peut que rarement prévoir mais qui reste surmontable du fait de la préséance de la nature.
Comment une population à été achetée, méprisée, divisée réduite au silence et déplacée à grand renfort de CRS, sacrifiée sur l'autel du progrès ?

Face à ce passé, les passages à l'encre noir avec notre ingénieur qui dès sont arrivée à Seyvoz se retrouve sans réseau, sans repères, seul et hanté par des cauchemars perturbants. Coupé du monde des vivants.
Son cerveau rationnel de scientifique est mis à l'épreuve par des sensations étranges, des migraines inexpliquées et des visions fantomatiques.

Il devra quitter cet endroit hanté par la catastrophe survenue plus d'un demi-siècle plus tôt pour être quitté par les spectres de ce village disparu et par son emprise.

L'écriture est subtile et ce roman a le goût de quelque chose de nouveau, qu'on a envie de savourer, une expérience sur le fil entre le réel et le fantastique.