Plus loin qu'ailleurs

Alexandre rêvait de départs, d’horizons lointains, de terres inconnues. Mais un accident, deux béquilles, et tout s’effondre : impossible de partir. Qu’à cela ne tienne : carnets et crayons en main, il décide de composer son propre récit de voyage, en terres locales, à quelques rues de chez lui. Il invente ses règles de randonnée, s’impose ses étapes, note tout : ses trajets, ses pensées, ses rencontres – on pense à ce SDF un peu ours, un peu sage – et les objets du quotidien qu’il collecte comme des trésors, comme autant de preuves que l’aventure peut se cacher au détour d’un square.

Voilà toute la grandeur de cette bande dessinée. Avec une rare justesse, Chabouté capte la beauté discrète du quotidien, le minuscule, l’inattendu, ce qui est là, tout près, à portée de main, et que l’on ne voit que lorsqu’on prend enfin le temps de s’arrêter.

Avec son noir et blanc d’une grande intensité, son sens du détail, son art du silence, Chabouté nous offre une échappée douce-amère, souvent drôle, toujours tendre, où la poésie surgit à chaque coin de rue. On y parle de solitude, d’isolement, de résilience, mais surtout d’émerveillement. Car son personnage est un rêveur, un aventurier du trottoir. Il ne voyage pas loin, mais il part profondément, « plus loin qu’ailleurs ». Et sous le regard bienveillant de l’auteur, chaque recoin devient source d’éveil.

Du grand Chabouté !

[Florian]