Pas de souci

Encore une petite pépite pour les éditions Quidam! Cet éditeur a décidément du flair pour dénicher des textes étonnants, surprenants, décalés!

Chloé est une trentenaire sans souci particulier qui ne s'explique pas son mal de vivre. Elle a eu une enfance heureuse en Normandie, des parents aimants et attentionnés. Elle gagne bien sa vie. Mais elle ne se sent pas vraiment à sa place. Aussi, poussée par Maxime, sorte de demi-frère et confident dès le berceau, puisque Véronique et Jean-Charles, les parents de Chloé, sont amis depuis toujours avec Cécile et Laurent, les parents de Maxime, elle pousse les portes du cabinet d'une psy, s'installe sur le divan et s'entend dire que ses parents lui cachent quelque chose. Un lourd secret. C'est l'élément déclencheur. Chloé a enfin un os à ronger et elle part en guerre... mais elle ne sera pas au bout de ses surprises.

C'est un roman prenant, drôle, où les contours des personnages volontairement flous dès le départ, se dessinent au fur et à mesure que le récit avance. L'atmosphère se tend petit à petit. Les pistes sont brouillées et le lecteur cherche un chemin vers la vérité. On ne sait laquelle, d'ailleurs puisque le mensonge, le secret, le silence sont au coeur de cette histoire. On pourrait se dire qu'il s'agit là d'un énième roman sur les secrets de famille, mais il n'en est rien. Luc Blanvillain s'amuse avec le lecteur et les genres.

C'est une petite comédie humaine qui illustre à travers une galerie de personnages bien sentis les défauts et qualités ordinaires: la maladresse, l'égoïsme, la capacité à pardonner, le besoin de reconnaissance, l'envie de bien faire, l'altruisme, la culpabilité... C'est aussi un roman qui interroge la filiation, ce qu'on transmet à nos enfants sans le vouloir, inconsciemment, et ce dont on est responsable en tant que parent. C'est un roman également inscrit dans son époque pour mieux en critiquer les travers: le développement personnel a le vent en poupe depuis longtemps et l'on est très auto-centré. La réaction du père de Chloé, Jean-Charles, très critique à l'égard du "gourou" que fréquente sa fille, est caricaturale, certes, mais fait réfléchir.

L'auteur entremêle les genres: la comédie que s'apprêtent à jouer les parents de Chloé a tous les accents de la tragédie grecque. La tragédie que vit la vieille Lucette, sans cesse menacée d'envoi en Epadh par ses brus, se transforme en comédie grâce à Gérard, vieux loup solitaire et alcoolique notoire, qui a, lui aussi, enfoui son passé...