Nous Traverserons des orages

Quel plaisir, quel délice de se laisser embarquer par la talentueuse Anne-Laure Bondoux dont on attend toujours les parutions avec impatience! Il lui a fallu trois années pour finaliser ce nouveau roman et on sent bien tout le soin qu'elle y a mis, la tendresse qu'elle éprouve pour ses personnages, les recherches documentaires utiles pour restituer l'ambiance d'une époque, camper le décor. Assurément, Nous Traverserons des orages est un grand roman qui a toute sa place en littérature adulte, en dépit de sa parution dans la collection "Jeunesse" de Gallimard. C'est le genre d'histoire qui vous emporte d'un coup et vous ne voyez pas passer les presque 500 pages de cette fresque familiale qui court de 1914 à 2022 et qui suit quatre générations d'une même famille. Ce sont des vies dont l'autrice déroule l'écheveau au fur et à mesure, alternant les points de vue, traversant les années, les conflits, les tensions, les "orages". Une famille, les Balaguère, un lieu, la ferme des Chaumes, des hommes avec des noms d'arbres (Saule, Olivier, Charme...), voilà l'essence du récit. C'est un livre que l'autrice dédie à son père qu'elle n'a jamais vu pleurer et c'est de ça dont il est question. Des hommes qui ne pleurent pas. Des silences, des non-dits, des mensonges par omission. Des existences construites sur des brindilles fragiles, de bric et de broc, qu'un coup de vent, une guerre, une maladie peut balayer d'un coup. C'est un roman puissant sur les bouleversements, les déchirements des destins. Un roman sur la tolérance, l'acceptation, sur ce qu'on transmet à ses enfants, un roman qui questionne la fatalité, le destin.

On pense à Laurine Roux à Sur l'épaule des géants pour le côté saga familiale, on pense également, dans un autre registre évidemment, aux  Enfants endormis d'Anthony Passeron, parce qu'inévitablement, en traversant les années 80, la famille Balaguère se heurte au VIH SIDA. La vision historique donnée est d'une limpidité saisissante. Les enjeux politiques de l'après-guerre, les principaux événements marquants des périodes qui suivent sont remarquablement expliqués, sans que le lecteur ait jamais l'impression d'une leçon appuyée d'histoire, de géopolitique, d'économie... Les chapitres sont courts, les points de vue alternent, les ellipses narratives sont fréquentes; ainsi, le lecteur n'est jamais lassé. Il n'y a pas de sensation de redite, de répétition maladroite ou de lourdeur.

Anne-Laure Bondoux est décidément une conteuse aguerrie qu'il faut suivre!

La Petite Librairie proposera le vendredi 10 novembre à 20h une heure de lecture (tout public) des Larmes de l'assassin de l'autrice qui vient de sortir en poche chez Pocket. C'est un ouvrage court (165 pages), une merveille, un roman absolument bouleversant, dont l'intrigue se situe dans l'extrême sud du Chili et qui fait se rencontrer un petit garçon et un assassin... Si vous ne connaissez pas Anne-Laure Bondoux, venez l'écouter... c'est gratuit et c'est que du bonheur!!!

[Laure]