Nauetakuan

Pour reprendre les mots de l'éditeur, Nauetakuan, ("un silence pour un bruit") est un "roman comme un voyage", un "roman comme une initiation" et un "roman comme une réparation" écrit par une jeune poétesse, comédienne et artiste militante pour les droits autochtones et environnementaux.

Monica, d'origine innue, ex-étudiante en arts, ressent un profond mal-être qu'elle a du mal à expliquer. Elle se sent habitée par un vide immense, submergée régulièrement par un malaise angoissant malgré la joie qui l'entoure dans le Montréal des étudiants d'aujourd'hui. Un jour, elle fait une rencontre décisive: Katherine, une jeune femme autochtone comme elle, pleine d'énergie, d'enthousiasme, de bienveillance et qui tient l'amitié en haute estime. Katherine va la pousser sur le chemin qu'elle doit accomplir seule, lui donner de l'élan. Elle a de la force à revendre, ayant grandi dans une famille aimante soucieuse de transmettre la culture innue, les traditions. Katherine va faire découvrir à Monica le milieu des activistes militants, de ceux qui, comme elle, ont à coeur de défendre leur patrimoine, leurs valeurs, leur "souveraine indocilité", de rappeler que leur place est partout parce qu'ils sont partout chez eux.

Ainsi, le lecteur voyage, est embarqué de Montréal à Vancouver, de Vancouver au Mexique, puis du Mexique aux rives du St-Laurent, à Pessamit, le village de l'enfance de Monica. L'immersion dans le français du Québec contribue au dépaysement. Je n'ai d'ailleurs découvert le lexique qu'après avoir terminé l'ouvrage... et je me suis régalée de cette touche d'exotisme! j'ai essayé de deviner le sens de certains mots et de certaines expressions: un"dépanneur" pour une épicerie," c'est plate" pour "c'est ennuyeux", "frencher" pour "embrasser avec la langue ou encore "se péter les bretelles" pour "se vanter"...

Plus Monica se rapproche de ses racines, plus elle ressent des présences invisibles autour d'elle. Elle qui se sent perdue, va petit à petit retrouver une forme d'équilibre et surtout comprendre son histoire. L'histoire terrible de ses ancêtres, de la génération de sa grand-mère, Emilie, arrachée à sa famille et placée dans un de ces horribles pensionnats catholiques qui avaient pour but d'éloigner les enfants indiens de leur culture, de briser en eux leur part de "sauvage".

C'est un premier roman où la narration est parfois flottante mais qui contient tellement de poésie, de beauté, de profondeur que l'on se laisse aller à poser tout doucement sa main sur l'épaule de Monica pour qu'elle avance, courageuse, qu'elle fasse ce bout de chemin nécessaire sur le territoire de ses ancêtres. La magie opère. On est transporté, on flotte au milieu des esprits, on est ému, on sourit... C'est beau et prometteur!

[Laure]