Monique s'évade

Après Combats et métamorphoses d'une femme (ed. Seuil, 2021), où Édouard Louis retraçait la libération de sa mère, c'est ici une nouvelle confrontation à la violence domestique qui pousse Monique à s'enfuir. Pourtant, quelle force de joie émane de ce texte ! Joie d'une renaissance, joie d'une guerre contre une "armée de jamais" et leur fardeau de réclusion, joie d'un questionnement matériel de la fuite : "l'angoisse et l'argent. Je les avais toujours vus associés dans la vie de ma mère."Avec brio, l'auteur télescope le programme pratique de Virginia Woolf dans Une chambre à soi - pour qui la liberté d'écrire c'est d'abord avoir 500 livres de rente et un espace qu'elle peut fermer à clé - et l'émancipation de sa mère : "Une chambre, un espace, des murs, une clé, de l'argent : c'est aussi, cent ans plus tard, ce qu'il fallait à ma mère [...] pour devenir une femme plus libre et plus heureuse".

Monique s'évade est l'accomplissement essentiel du travail d’Édouard Louis. D'un terreau de violence, celle d'une France en marge, oubliée, inculte et pauvre, dénoncée avec fracas dans En finir avec Eddy Bellegueule, éclot dix ans après la possibilité d'un ailleurs, l'optimisme - non candide - d'un renouveau, la fulgurance d'une échappée : "Je pourrais dire : pas de souffrance dans mon enfance = pas de livres publiés = pas d'argent = pas de liberté possible [pour ma mère]."

Récit d'un amour filial, portrait saisissant d'une femme, d'une mère, réflexion sociale et littéraire, ce texte emporte et bouleverse. Monique s'évade, et on s'envole avec elle !

[Florian]