#Biographie / témoignage
Une invitation de Jacques Gamblin? je fonce!
Jacques GAMBLIN
Mère à l'horizon
Non, vous ne rêvez pas! Il s'agit vraiment d'un livre écrit par le grand Jacques Gamblin! Et ce n'est pas le premier: après Le Toucher de la hanche (1998), Entre courir et voler il n'y a qu'un pas, Papa (2003), Cher Cheval (2024) et d'autres ouvrages sur la mer, le discret Jacques nous livre un récit autobiographique qui est un hommage poignant à sa mère mutique dont la mémoire est doucement grignotée par Alzheimer...
C'est un texte à rapprocher de Du même bois de Marion Fayolle ou de Alors, c'est bien de Clémentine Mélois. C'est tout doux, plein de tendresse, de fantaisie et d'humour. On s'arrête souvent sur une phrase, une tournure particulière qui exprime une pensée particulière, un brin décalée, de guingois (comme le sourire si charmant de l'auteur), mais tellement jolie! les mots sont ici savamment choisis; Jacques semble avoir estimé la force d'évocation de chacun, son poids de poésie. L'expression est simple en apparence mais (c'est la force des grands textes et du talent) dit beaucoup. C'est un mélange d'élégance, de délicatesse, un genre de numéro d'équilibriste. C'est beau! et comme devant un beau spectacle, on pousse des "waouh!" des "Oh!" des "Ah!"...
Mère à l'horizon fait s'entremêler un faux-dialogue avec la mère de l’auteur, de plus en plus mutique, isolée par sa surdité survenue au décès de son mari, coincée dans une bulle qui a laissé s'échapper des pans entiers de sa mémoire… et des considérations personnelles, des souvenirs d'enfance de l’auteur : la quincaillerie familiale à Granville en Normandie. Son entrée dans le monde du théâtre, sa pratique de la course à pied pour trouver son souffle, respirer, penser. La naissance de sa fille, son rôle de père, ses liens avec son propre père. La femme qui partage sa vie, évoquée de manière amoureuse et très pudique.
C'est l'histoire d'un fils qui cherche à comprendre le mode d'emploi de la vieillesse, celle de sa mère qui ne peut répondre à cette simple question: "qu'est-ce qui te ferait plaisir, à toi?" Et il lui est très difficile d'admettre que le plaisir de sa mère est tout entier empli du plaisir d'offrir aux autres, qu'il ne saura jamais l'envie profonde de sa mère," [son] endroit, [son] espace de bien-être, personnel et irréductible"...
C’est juste beau parce que sincère. Sans prétention. A l'image de la modestie de M. Gamblin, discret comédien qui ne parle jamais pour ne rien dire. Qui réfléchit avant de dire. Délicat, tendre, drôle, spirituel, poétique, parfois mystérieux.
Mère à l'horizon est un texte qui parle aux tripes, tout en émotions, un texte qui cherche à comprendre mais parfois renonce. Et puis, finalement, ce n'est pas si grave de ne pas tout comprendre dans la vie.
A s'offrir, à offrir... parce que c'est beau, c'est bon et ça fait du bien!
Longue vie à Monsieur Gamblin!
[Laure]