Les silences des pères

A la fois sobre et puissant, ce roman interroge la question des silences.
Silences des pères qui n’ont pas raconté leur histoire.
Silences des fils qui n’ont rien dit de leurs ressentiments et émotions.
Silences de l’Histoire qui ont oblitéré soixante-dix ans de l’histoire de l’immigration en France.
Les silences sont aussi questionnés par la forme narrative que l'auteur a adopté.
Beaucoup d'ellipses spatiales et temporelles.
Permettant ainsi au lecteur d’interpréter ces non-dits avec sa propre expérience.

Amine, notre narrateur, est un pianiste mondialement connu, il avait coupé les ponts avec son père depuis 22 ans, suite à des malentendus et des incompréhensions.
A la mort de celui-ci, le fils retourne dans la cité où il avait grandit, à Trappes.
En aidant ses sœurs à vider l'appartement, il découvre une grosse enveloppe contenant des dizaines de K7 audio que son père avait enregistré pour son propre père resté au Maroc et qui ne savait pas lire.
La voix du père que le fils ne connaissait à peine résonne tout à coup et raconte une vie en France, celle d'avant, lorsqu'il était un homme et une voix avant de devenir un père taiseux.
A travers ces K7, le fils va découvrir les souffrances du père et comprendre les raisons de son mutisme.
Le fils va alors faire un tour de France pour connaître les contours d'une vie – en quinze jours, du nord au sud, Amine part à la rencontre des anciens amis et amies de son père.
Il va découvrir un homme droit, fidèle et solidaire, un ouvrier combatif engagé dans la défense des droits des travailleurs immigrés.
Un père fier, courageux qui s'est sacrifié pour sa famille et qui était très fier de son fils...

R. Benzine, rend ici hommage à la première génération d'immigrés, ces travailleurs venus d'ailleurs pour accomplir dans les pires conditions ce que personne d'autre ne voulait faire.
Il est important de garder en mémoire leurs sacrifices, les humiliations, les ratonnades, les conditions de vies dans les logements insalubres... Des Gueules noirs - (des mines de charbon) ; au maraîchage et camps de Harkis en Camargue en passant par les Gueules grises des usines de Béton d'Aubervilliers.
A travers la vie de ce père, R.Benzine rend justice et nous aide à retrouver la mémoire pour une reconnaissance nécessaire que ce soit dans l'intimité d'une famille ou à l’échelle d'un pays entier ou encore d'une génération vis à vis d'une autre.

Servi par une plume fluide, simple, une voix authentique, sans pathos ni emphase; c'est le genre de roman qui vous transforme et vous habite longtemps.

[Annette]