Les Pizzlys

Je guette toujours les romans graphiques de Jérémie Moreau que j'ai découvert avec La Saga de Grimr en 2017. Et voici Les Pizzlys, sorti le 5 octobre dernier. Un roman graphique de Jérémie Moreau c'est toujours la garantie d'une surprise graphique. C'est tout le talent de l'auteur. Les Pizzlys est une sorte de fable contemporaine mettant en scène une fratrie tenue à bras le corps par Nathan, l'aîné, depuis le décès de leur mère. Nathan est au bord du burn-out. Il enchaîne les courses dans son taxi Uber pour assurer le quotidien, payer l'école privée de Zoé et Etienne. Zoé, comme de très nombreuses ados, est accro à son portable et Etienne, le plus jeune, rêve d'être gamer professionnel et ne jure que par sa Switch. Et voilà qu'un jour, une vieille dame grimpe dans la BMW de Nathan et lui demande de la conduire à l'aéroport. Elle rentre chez elle, en Alaska, après avoir passé des années, beaucoup trop d'années, à Paris. Nathan, pris de vertige, comme trop souvent ces temps-ci, totalement perdu dans sa vie, fait un malaise et provoque un accident. Sortis de l'hôpital avec sa cliente, il lui propose de l'héberger pour la nuit. Annie est témoin, le temps d'une soirée, de la dérive de cette famille et propose à Nathan de décrocher, de partir avec Zoé et Etienne en Alaska. La vieille Amérindienne lui propose de l'héberger, de le nourrir pour qu'il retrouve son âme. C'est ainsi que la petite famille se retrouve "into the wild", au pays des aurores boréales, des jours qui ressemblent à des nuits, loin de la civilisation et du monde ultra-connecté. C'est un véritable choc pour tous. Y compris pour le lecteur, abasourdi par la mise en couleurs acidulée de ces paysages grandioses, envoûté par ce monde plein de magie, de poésie, de vibrations. Mais c'est aussi un monde menacé par le changement climatique: les oies migrent avec deux mois d'avance, les saumons se perdent dans le brouillard des eaux troubles, les ours changent de couleurs et le Pizzly a fait son apparition (croisement entre le grizzly et l'ours polaire). Comme l'explique Annie, l'homme blanc a marché sur la lune, mais il ne sait plus habiter la terre...

C'est un roman graphique magnifique, original dans le traitement des couleurs. Malgré la simplicité du trait, l'émotion est tout à fait palpable chez chaque personnage. On vibre à l'unisson de ce décor spectaculaire, on frissonne, on a le poil qui se hérisse... et on rit aussi parfois du décalage entre les cultures occidentales et amérindiennes, de l'humour inuit. La couverture du roman n'est pas sans rappeler Peter Pan. On s'envole avec eux au pays des rêves.... [Laure]