Le Territoire sauvage de l'âme

Envie d'évasion? venez découvrir le Nunavik, la rivière Koksoak, déguster la confiture de chicoutés, la bannique, enrager parce que votre bière "sloshe" quand il fait -40°, marcher dans les épinettes noires, les érablières, lever les yeux pour vous émerveiller devant les lumières magiques des aurores boréales, les pieds dans la toundra, cette "éternité de mousse hantée par les loups", surprendre un caribou, une loutre ou un orignal, faire du hockey sur glace ou entendre le craquement des arbres qui éclatent sous le gel... Brrrr

C'est Guillaume qui raconte. C'est un jeune professeur du sud du Canada qui a fait le choix d'un poste dans le Nord, ce "pays où les mots sont rares et précieux", parce qu'il n'aspire qu'à "se reconnecter à l'énergie sauvage des origines", c'est-à-dire, pister les animaux, identifier le chant des oiseaux, dormir dehors... Il enseigne le français aux Inuits de Kuujjuaq qui parlent entre eux l'inuktitut. Guillaume a beau bénéficier des cours du concierge de l'école qui lui dispense un genre de Nunavik pour les nuls, il est désemparé face à ce public qui se rie de lui, ne l'écoute pas jusqu'à ce qu'il leur fasse une démonstration de sa maîtrise du hockey sur glace.

Après trois années passées là, dans le Nord, Guillaume s'installe dans le Sud avec Caroline, fonde une famille, construit sa maison et monte sa tente-prospecteur où ils dorment avec les enfants la nuit, l'hiver, bien au chaud dans leur "sleeping" à côté du poêle. Il aime regarder la neige tomber bien calé dans la "berçante". Il espère infuser l'imaginaire de ses enfants du thé noir de la toundra. Mais cette vie au coeur de la forêt, celle de son enfance, à l'ombre de la pruche, est menacée par la ville qui se rapproche : parkings, boulevards, grandes surfaces... Il ne veut pas de ce monde de fou où tout va trop vite. Il apprend à ses enfants à prendre le temps de s'émerveiller devant le spectacle de la nature.

C'est beau, plein de délicatesse, de nostalgie pour ce monde qui disparaît, celui des Inuits du Grand Nord canadien. Le réchauffement climatique, la déforestation, la modernisation, l'urbanisation sont là mais c'est un texte plein de douceur, de poésie, d'amour et de bienveillance. Guillaume a des regrets mais pas d'amertume.

Cette lecture est une vraie bouffée d'oxygène et une touchante réflexion sur l'écologie, la politique environnementale des pays industrialisés, la préservation des cultures autochtones, la transmission dans un monde qui va trop vite... [Laure]