Le Palmier

41 fragments d'une enfance dans l'arrière-pays cannois. Voilà ce que nous propose d'assembler Valentine Goby dans ce nouveau roman qui vous hante longtemps après sa lecture. C'est le puzzle de l'enfance de Vive que l'on reconstitue. Une enfance passée dans le jardin luxuriant de la maison familiale, quelque part dans l'arrière-pays cannois. Des souvenirs d'enfance, donc, le point de vue exclusif de cette fillette entre 6 et 8 ans et un moment charnière de son enfance saisie comme par un polaroïd: l'élagage du magnifique palmier du jardin. Le stipe noir restant hante la fillette et on ne comprend ce traumatisme qu'au fur et à mesure que les pièces du puzzle s'assemblent. 

La magie de l'enfance et le mystère de ce trauma coexistent tout du long et c'est ce qui fait la saveur particulière de ce texte. Le Palmier offre un voyage sensoriel incroyable puisque Vive a été initiée depuis toute petite aux pouvoirs des odeurs, son père travaillant à l'extraction des essences de parfums à l'usine de Grasse. C'est avec bonheur que l'on découvre à sa suite les échantillons que Marco lui rapporte de ses divers voyages, les explications qui vont avec et l'on s'émerveille de la capacité de Vive à identifier plus d'une soixantaine d'essences différentes: cannelle, bigaradier, ylang, genévrier, santal... jusqu'à la fameuse molécule iso E super. C'est passionnant!

Mais au milieu des souvenirs nostalgiques des étés pleins de cousins, d'amis, de voisins dans cette grande maison où passe beaucoup de monde, des nuits passées avec Jujube, la chienne au poil ras qui n'a pas le droit de monter dans les chambres, on devine les ombres de blessures intimes et profondes chez Vive. L'angoisse sourd, quelque part. La nuit n'est jamais tranquille et l'on sent Vive rongée de l'intérieur par quelque chose qui lui échappe, sur lequel elle ne sait mettre des mots. Pourtant, les mots, elle les collectionne, les note et les dissèque dans un petit carnet. 

Vive est une enfant hyper sensible, émerveillée par la nature au sein de laquelle elle aime trouver refuge quand elle sent autour d'elle des tensions, quand ses parents se disputent au sujet notamment de l'éducation de leur fille. "Pas en sucre" contre "irresponsable". Elle est très entourée, par son grand-frère Dan et elle aime profondément son petit frère Aimé qui ne parle pas encore. Elle aime caresser le tronc des arbres auxquels elle parle.

Le lecteur se laisse emporté par ce tourbillon de souvenirs et d'émotions très riches et ne prend pas tout de suite garde aux petits cailloux blancs qui sont disséminés savamment par l'autrice pour nous aider à retrouver le chemin des souvenirs. Parce que c'est de àa dont il est question dans cet ouvrage. Du trauma lié au souvenir enfoui... et comment on se construit avec ça. 

Le charme de ce roman tient dans cette ambiance ouatée, tout en douceur et à hauteur d'enfant. Le voile se déchire et nous permet d'entrevoir ce que Vive a enfoui dans les tréfonds de sa mémoire...

Envoûtant!

[Laure]