Le Ciel est mon drapeau

Après son très joli roman Orchidéiste, Vidya Narine revient aux éditions des Avrils avec un texte tout à fait singulier, atypique, entre album de famille et réflexion sur la notion d'identité sur les traces de ses origines vietnamiennes. Le Ciel est mon drapeau est un texte puissant, bouleversant, excessivement bien écrit. Vidya y file la métaphore des racines, celle des rhizomes comme en atteste la citation d'Edouard Glissant en exergue du livre: "C'est bien là l'image du rhizome, qui porte à savoir que l'identité n'est plus toute dans la racine, mais aussi dans la Relation." 

Comme Glissant dans sa Poétique de la relation, Vidya nous invite à repenser  notre rapport à l’autre et à la diversité culturelle. Le Ciel est mon drapeau est né d'une onde de choc après les discours violents de Nicolas Sarkozy qui se proposait de nettoyer au karcher les banlieues, sa création d'un ministère de l'Identité Nationale et de l'immigration. Face à ce glissement vers l'extrême droite, à l'islamophobie grandissante entretenue par les médias, à l'écriture de ce nouveau roman national et à cette notion de progrès mise en avant à l'occasion des déplacements de Sarkozy en Afrique, progrès brandi comme une "boussole d'un récit dont l'homme occidental serait l'écrivain", Vidya s'interroge: "Je suis française mais ne me lis pas dans ce récit qui s'écrit, n'y trouve pas mes ancêtres, pourtant français eux aussi". Et quand Sarkozy félicite la communauté franco-asiatique parce qu'elle représente selon lui un modèle d' "intégration réussie", Vidya évoque ce mythe des bons et des mauvais immigrés.

Ces considérations constituent le tout début de ce texte. S'ouvre ensuite un cycle complet qui inclut les "mouvements" perpétuels du Bois, du Feu, de la Terre, du Métal et de l'Eau, dont l'équilibre est le fondement de la bonne santé dans la médecine traditionnelle vietnamienne; à travers ce cycle, l'autrice nous emporte dans son histoire familiale (sa mère est née en Indochine en 1947 et avait 7 ans quand elle a quitté avec sa mère et ses frères et soeurs le nord pour rejoindre Saïgon puis Marseille), y fait le portrait de personnalités tout à fait incroyables, nous entraîne dans l'histoire tragique de la colonisation française en Indochine, la diaspora vietnamienne dont on parle si peu. On y apprend beaucoup de choses. Le travail de documentation est colossal: Vidya a lu les écrits d'Hô Chi Minh, a épluché les archives, aligne les chiffres, les fait parler. C'est instructif et accablant.

A travers ce récit des origines, comme dans son roman Orchidéiste, c'est notre système économique qui est pointé du doigt, la cupidité de l'être humain, son obsession du progrès, du profit à tous prix, "quoi qu'il en coûte", la mondialisation, le capitalisme galopant... et la mémoire toujours trop courte, qui nous empêche de tirer le leçons du passé.

Le Ciel est mon drapeau est un texte remarquable, singulier et d'une grande poésie. Vidya y forge une langue qui ne ressemble à aucune autre pour dire son amour des siens, la fierté et la richesse de ses origines et sa volonté de vivre dans un monde plus responsable plus harmonieux et plus équilibré.

Vidya viendra raconter l'histoire de ce nouveau livre le mercredi 18 juin à 19h à La Petite Librairie! Venez la rencontrer!

[Laure]