#Roman
Prenons un peu de hauteur pour contempler la comédie humaine en compagnie de Vincent Maillard...
Vincent MAILLARD
La Spirale du milan royal
Quelle joie de découvrir que Vincent Maillard avait écrit un nouveau roman! Il nous avait ravis avec L'Os de Lebowski et Le Smoking des orques et le revoilà dans un roman toujours aussi mordant sur nous, pauvres humains. Il nous invite à prendre de la hauteur, à adopter le point de vue du maître de l'élégance ailée, le milan royal. A l'image de la spirale du titre, on est immédiatement embarqué dans cette histoire qui s'apparente à une chronique familiale puisqu'on suit la famille Coll, à bord du "Spirit of Ulysse" pour une croisière en Méditerranée. Le vrai motif de la croisière ne sera révélé qu'à la toute fin du roman...
C'est un roman étonnant et original: on s'interroge sur le sens de cette histoire d'une famille endeuillée réunie une énième fois pour célébrer la mémoire du fils aîné disparu, Baptiste, grimpeur hors pair mort en 1998 d'une chute inattendue en escalade quelque part en Ardèche. Le roman donne à entendre la voix de Joséphine, la cadette, jeune femme punk et assez trash au physique de rêve, à la langue bien pendue et à la voix d'or, chanteuse dans un groupe qui a accepté la mission d'animer la croisière qui devrait s'amuser mais s'inquiète: le suicide d'une passagère, Laure Combaluzier, va bouleverser le séjour. Une enquête va être diligentée par le capitaine Jamil Rabhi, les suspects entendus par l'équipe de gendarmes de Haute-Corse. On navigue (c'est le cas de le dire) entre les époques, on remonte le temps, on plonge dans les souvenirs de la famille Coll, narrés par Guillaume, le père placide (deuxième voix narrative du roman), dans ceux de Laure Combaluzier et de ses amours, dans ceux de Jo (on se marre! quelle gouaille! quel sens de la repartie!).
Et on mord à l'hameçon! les rouages de la machine sont très bien huilés et on est pris dans l'engrenage. Vincent Maillard s'est fait architecte et a accordé un soin tout particulier à l'agencement de son intrigue qui n'a rien de très évident au départ et s'avère très bien ficelée au fur et à mesure qu'on avance dans l'histoire. C'est délicieux!
Les dialogues sont ciselés, les personnages très incarnés. On sent bien que l'auteur les aime, qu'il les a chouchoutés. Joséphine est une quarantenaire en colère qui tente de contenir son démon intérieur mais c'est difficile et pour notre plus grand plaisir, elle se livre à des numéros de clouage de bec tout à fait jubilatoires... comme est jubilatoire le personnage de sa grand-mère paternelle qui est passionnée par le milan royal...
Et la saveur du texte réside aussi dans ce savant mélange d'extraits de procès-verbaux après l'affaire du suicide, de coupures de presse, d'échanges de mails (entre Laure et sa soeur ou Laure et son amant), de récits plus classiques à la 3eme personne qui nous plongent dans le passé de Laure et dans les monologues intérieurs de Jo et de son père, Guillaume, où chacun livre ses pensées sur la situation, sur ses motivations, sur le sens de la vie en général.
Il est ici question d'une famille qui a survécu à un drame, qui se serre les coudes et cherche malgré tout à vivre. On plonge donc dans la douleur du deuil, le chagrin géré par chaque membre de la famille de manière différente. On admire leur courage.Vincent Maillard, comme à son habitude, nous régale aussi de personnages veules, d'autres d'une lâcheté repoussante qu'il écornifle comme il faut! Il a cette manière à lui de peindre les défauts des humains, d'exprimer son profond dégoût pour les magouilles, l'arrivisme des politiques toujours prompts à piétiner la morale, à marcher sur la tête des autres. C'est une jolie ménagerie humaine qu'observe du haut du ciel le fameux milan du titre, qui lui, sait beaucoup de choses mais ne dit rien...
Voilà donc une lecture originale, savoureuse, maline et absolument divertissante!!!
Merci monsieur Maillard! On vous accueillera volontiers à nouveau à La Petite Librairie en 2025!!!
[Laure]