#Roman
Très beau roman, sobre, profond et touchant.
Gaëlle JOSSE
La Nuit des pères
Isabelle a été rappelée au chevet de son père par son frère aîné, Olivier. C'est elle qui raconte et le roman est un quasi monologue adressé directement à ce père frappé par la maladie de l'oubli. Elle dit ce que ça lui coûte de revenir dans ces montagnes qu'elle a fui dès qu'elle a pu. Elle fait ce chemin vers le présent et replonge dans son passé, en confiant des morceaux de son enfance détruite, plongée dans l'angoisse, la crainte d'un père colérique et taiseux, profondément triste, méchant, acerbe, elle qui n'attendait qu'un geste, un mot de reconnaissance et qui se réfugiait dans l'amour inconditionnel de sa mère, décédée trop tôt. Isabelle a passé son enfance à essayer d'exister aux yeux d'un père absent, fuyant qui ne semblait reprendre vie qu'une fois sa peau de guide de haute montagne enfilée, entouré d'inconnus.
C'est l'histoire de cette enfant devenue adulte qui peine à se reconstruire après plusieurs deuils et qui revient après de nombreuses années d'exil auprès de ce père qui oublie tout et qui, dans un sursaut de lucidité, a noté sur des petits morceaux de papier les prénoms de ses enfants. La Nuit des pères est un roman sur la transmission, sur ce qu'on laisse à nos enfants, ce qu'on leur fait porter malgré nous; c'est un livre qui questionne la mémoire traumatique et les blessures enfouies qui ressurgissent toujours, celles que l'on voudrait oublier toujours, qu'on tente d'envelopper de silence croyant naïvement les faire disparaître. La Nuit des pères, c'est la part d'ombre de ce père terrible, terrifiant, qui hurlait dans la nuit. C'est aussi la découverte d'autres visages de ce père qui a lui-même été terrifié dans sa jeunesse. C'est l'histoire de vies ravagées par le silence. Mais il y a de la lumière au bout de cette histoire.
C'est un livre magnifique, à l'écriture sobre et poétique, un roman puissant qui vous happe, vous fascine, vous émeut longtemps.