La Mère des palmiers

Ce nouveau roman de Nasim Marashi est une histoire à dérouler comme une pelote dont on tire le fil. Le lecteur reconstitue l'histoire au fur et à mesure, assemble les pièces du puzzle qui lui ont été délivrées dans le désordre puisque La Mère des palmiers s'ouvre sur la fin de l'histoire.

C'est l'histoire d'une famille qui fut un jour heureuse et du combat acharné du père pour retrouver ce bonheur perdu. Au tout début du récit, on suit Rassoul qui a embarqué son fils Mahziar dans sa Renault jaune pourrie, en pleine fournaise de printemps de cette région du sud de l'Iran pour rejoindre les marais de Chadegan qui abrite le village de femmes de Dar-ot-Tale'e où Naval, l'épouse de Rassoul et la mère de Mahziar, a vraisemblablement trouvé refuge après le drame.

C'est ce "drame" que le lecteur reconstitue par petites touches, naviguant entre le passé et le présent. La tension est ainsi maintenue par ce dévoilement progressif de la tragédie qui a frappé à plusieurs reprises cette famille iranienne bouleversée par la guerre; des bombardements ont rayé le village de Khorramchahr, à la frontière avec l'Irak, cette zone ayant été le théâtre de conflits particulièrement violents au moment de la guerre iran-Irak (1980-1988).

Rassoul était fier de sa famille, de ses enfants Chahran, Amal, Anisse, Tahani et Mahziar. Mais son dernier accouchement a laissé Naval abattue. Elle a sombré dans une dépression aiguë et Rassoul met toute son énergie pour essayer de l'en sortir. Il est toutefois démuni et ne peut comprendre cet abattement car il ne connaît pas tous les secrets de Naval. Elle lui a caché des choses. Le dévoilement de la vérité provoquera chez lui un séisme.

Quand le récit débute, cela fait déjà 6 ans que Rassoul élève seul ses enfants. La curiosité du lecteur est tout de suite piquée par cette histoire étrange, ce père solitaire qui regarde son fils et se dit qu'il ne ressemble à personne, cet homme à l'allure de mendiant, hirsute, profondément seul et malheureux. Atteindre ce village de femmes au milieu de ces terres brûlées où plus rien de poussent depuis la guerre, où même les palmiers se dressent comme des stèles funéraires, est tout ce qui l'anime.

Roman captivant, bouleversant, traversé par des passages d'une poésie incroyable, roman où la psychologie des personnages est particulièrement riche, les émotions multiples. Comment vivre debout au milieu de la folie des hommes? Mais l'espoir est possible! il peut renaître malgré tout, comme le phénix...

[Laure]