Nos coups de c½ur

#Roman

Du grand art. Le Prix Goncourt 2025?

La Maison vide

Laurent MAUVIGNIER

La Maison vide

Ed. de Minuit - août 2025
Prix : 25.00 ¤
9782707356741

Ce nouveau roman de Laurent Mauvignier s'inscrit tout à fait dans cette rentrée littéraire placée sous le signe des histoires de famille. Mais il ne saurait se résumer à cela seulement. On pénètre effectivement dans une maison vide et l'on découvre des objets ayant appartenu aux ancêtres de l'auteur qui lui servent à imaginer ce qu'a pu être leur vie (la guerre contre la Prusse, la Première Guerre mondiale, la Seconde). Il s'intéresse en particulier à celle dont le visage a été hachuré, gommé et dont on ne lui a presque jamais rien dit: la mère de son père, sa grand-mère donc. Marguerite. 

Je vous épargne ici le résumé de cette longue histoire (750 pages) qu'il est facile de trouver sur Internet. Et qui n'est finalement pas indispensable. Ce qu'il faut savoir, si vous n'avez jamais lu un roman de Laurent Mauvignier, c'est que c'est une expérience unique de lecture. Personne ne conçoit de roman de ce genre aujourd'hui. On pense évidemment à Proust, à Zola (référence explicite dans le roman) mais c'est encore autre chose. Il faut se laisser porter par le courant. Inutile de nager à contre-courant, vous allez vous épuiser. Nul besoin de prendre une grande inspiration non plus car le récit est empli de souffle, l'air y circule sans difficulté. On peut même envisager de s'arrêter sur une rive, de profiter du paysage et de reprendre la nage ensuite. On n'est jamais perdu. L'onde se transforme parfois en tourbillon, mais pas de panique. 

Il est assez rare de lire des romans dotés d'une telle puissance, d'une telle force. C'est incroyable. Et très frustrant car que lire après? difficile... Ces portraits de famille sont d'une rare justesse, d'une précision folle, d'une finesse sans pareille. Ces femmes qu'ont été les aïeules de l'auteur s'animent sous nos yeux. Nous sommes là, à leur côté, dans cette maison qui a appartenu au père de l'auteur et qui s'est retrouvée figée dans le temps. A la fois vide d'âmes et emplie de fantômes et de souvenirs. Comme au cinéma, la magie opère: le décor bouge, les personnages s'animent, les guerres s'enchaînent et l'on revient à époque contemporaine dans cette maison aux volets clos qui a finalement appartenu au père de l'auteur, suicidé quand celui-ci était encore adolescent. Adulte, l'auteur tisse un lien entre ce geste désespéré de son père taiseux depuis la guerre d'Algérie et le geste de Marguerite que je vous laisse découvrir.

C'est remarquable, puissant, intelligent et sensible.

Bravo M. Mauvignier. Quelle claque!!!

[Laure]