La fille de Lake Placid

Voguant entre les temporalités, entre les identités, ce roman, "oeuvre de fiction inspirée de faits biographiques", touche et envoûte. Beau comme une photo sépia, mystérieux comme un film de David Lynch, ce texte est une métamorphose, un jeu de miroirs où l'on est tour à tour Lizzy puis Lana, Grant puis Del Ray, Joan Baez ou Lana Del Rey.

Marie Charrel, qui déplace astucieusement sa plume des forêts du Canada (Les Mangeurs de nuit) vers un bois de Lake Placid et une forêt californienne, nous prévient dès l'avant-propos : "Dans ces pages, Lana Del Rey et Joan Baez sont devenues mes personnages." C'est alors une vertigineuse mise en abîme de la création et un profond questionnement sur le rapport à l'image et au corps qui s'ouvre à nous. L'autrice, en faisant de Lana Del Rey le personnage de son roman, double magistralement le geste d'Elizabeth Grant qui en a fait le porte-parole de sa poésie musicale. Ce décalage fictionnel comble les vides biographiques en les habillant d'onirisme, et exprime ainsi au mieux qui est cette poétesse vibrante, cette artiste multiple, cette femme portant au cœur la mélancolie d'une rêve américain brisé. Sa rencontre en 2019 avec mythique reine du folk, Joan Baez, semble alors évidente, tant les deux femmes partagent une même liberté, un même amour de la nature et un même désenchantement.

Au terme de la lecture, on s'empresse d'aller écouter ou réécouter les albums de ces grandes artistes, tandis que de nombreuses scènes du livre peupleront pour longtemps notre imaginaire !

[Florian]