La dernière reine

Une fois de plus Rochette nous fait vibrer et nous rappelle que l'homme n'est pas grand chose dans ce long cycle de la vie sur Terre. Il y fait pourtant des dégâts irréversibles comme la disparition de l'ours dans les massifs du Vercors, qui y a vécu pendant des millénaires.
Là est planté le décor du nouveau roman graphique de Rochette. Édouard Roux, descendant d'une famille accusée de sorcellerie à travers les âges, est une gueule cassée de la guerre 14-18. Profondément seul loin de son Vercors natal, il fait la rencontre de Jeanne, une artiste sculptrice qui refait les visages à ses heures perdues. Cette rencontre sera décisive dans leurs vies respectives : Édouard pourra à nouveau sortir sans honte, crapahuter dans les denses forêts qui l'ont vu grandir et, à cette occasion, partager le précieux secret dont il est le dépositaire ; Jeanne parviendra, elle, à se faire reconnaître en tant qu'artiste dans un monde résolument masculin. Cette belle union, où fusionnent corps et âmes, doit cependant lutter contre la bêtise humaine.
Un dessin toujours aussi émouvant, des faces à faces avec l'animal sauvage, l'ours, qui font frissonner. C'est beau mais c'est sombre, très sombre, et on quitte cette lecture quelque peu assaillis d'un profond désespoir : tant que l'homme voudra dominer le vivant, son avenir sur cette terre est compromis..