L'homme gêné

L'album s'ouvre comme un album de saynètes à l'humour absurde, mettant en scène les moments de gêne, d'errance, de rêverie de Vincent, expert en procrastination, qui, seul dans son appartement, déplace sa chaise et son ennui. Mais l'irruption de Julia, nouvelle voisine, bouscule son quotidien comme elle bouscule la narration en y instaurant un fil rouge, fil de doutes, de maladresses et d'autodérision. Car c'est bien là toute la force de cette bande-dessinée. Portée par un crayonné minimaliste, la narration y est hautement maîtrisée, scandée par des planches jaunes, solaires, ouvrant des scènes d'enfance, ou bleues, angoissées, pour des scènes dans le présent de Vincent, comme si quelque chose s'était perdu en cours de route. Cette attention, toujours pleine d'humour, au mal-être est doublée par le choix des points de vue : en plongée sur les personnages, observés alors comme depuis le balcon d'un théâtre (à l'italienne, le format de la BD !), ou au contraire en très gros plan, épousant le point de vue du personnage principal, dans ses hésitations et ses obsessions. C'est drôle, mais pas que !

Bonus : un autre coup de cœur (Au-dedans, de Will McPhail) complète à merveille cette lecture !

[Florian]