L'Enfantome

Après Lettres perdues, magnifique BD sur le deuil, et Mon ami Pierrot, qui traitait des relations amoureuses délétères, Jim Bishop clôt avec brio, frissons et pas mal de body horror sa trilogie thématique autour de l'enfance et du passage à l'âge adulte. Jacques, dit "le boutonneux", traîne des pieds dans la vie et au collège : famille dysfonctionnelle, notes médiocres, peu d'amis et beaucoup d'acné. Un jour le conseiller d'orientation, l'étrange Marano, le convoque, lui et une autre élève, Mims, pour leur donner un ultimatum : si leurs résultats scolaires ne remontent pas suffisamment pour passer l'année, leurs parents les tueront. S'ils se rient d'abord de cette perspective radicale, le doute s'installe quand l'attitude de ces derniers change dangereusement.

En empruntant brillamment la déformation des corps, l'altération des perspectives aux maîtres japonais de l'horreur, Junji Itō en tête, Jim Bishop décortique avec force cette période charnière qu'est l'adolescence et les carcans qu'elle impose : regard des autres, dégoût de soi-même, mal-être, contrebalancés par des amitiés profondes et l'espoir tenace de se réaliser. Car c'est aussi dans ce juste milieu, dans cet équilibre à trouver, que l'album excelle. Par des planches d'une grande lisibilité, le récit mêle habilement le rêve et le cauchemar, le possible et l'empêché, et laisse ses personnages tenter de s'en sortir... c'est-à-dire grandir. Un album marquant, angoissant, dérangeant, mais ô combien subtil et profond.

Une BD qui hantera longtemps ses lectrices et ses lecteurs !

[Florian]