Jusqu'au prodige

Quelque soit la porte que vous choisirez pour entrer dans le nouveau roman de Fanny Wallendorf :
-Un conte cruel, initiatique et troublant,
-Un récit intime sur fond historique (Le Vercors sous l'occupation),
-Un "nature writing" immersif et onirique,
-Un roman noir haletant..
En à peine 100 pages l'autrice nous plonge dans un outre-monde foisonnant, entre effroi et émerveillement, elle nous donne la sensation d'avoir été ravi, captivé et préparé pour accueillir la beauté de l'aurore nouvelle et apercevoir le fameux prodige.

Le récit alterne entre les pensées de la jeune Thérèse, au plus près de ses émotions et le dehors: la nature: omniprésente, texturée, sauvage, odorante, salvatrice.
On est d'abord suspendu, puis en apnée lors du récit des trois jours et trois nuits de fuite à travers la forêt de la protagoniste (maintenue captive par un chasseur qui pourrait sortir d'un conte horrifique.)
L'écriture est tendue, sans emphase et offre des respirations au lecteur avec les poèmes que compose Thérèse qu'elle appel : contre-feu.
Ces courts poèmes donnent l'impression de créer un champ de force autour du personnage, de barrer la route aux incendies en créant des espaces vides, apaisant le flux des idées noires qui envahissent son esprit.
Un bel hommage au pouvoir des mots, à la quête de liberté. 
Ce court roman donne des frissons, c'est de l'émotion pure et la puissance évocatrice de la langue de l'autrice emporte littéralement.

MAGNETIQUE !!!

Extrait :

«  je fixe un interstice rouge entre deux branches d'épicéa. La vision de cette meurtrière colorée dans le paysage m'absorbe tandis que le crépuscule enfièvre le massif. Ce bocage cerné de bruyère, où croissent des mousses et des airelles, déroule un tapis d'herbe épais où j'ai élu domicile. J'ai fui les landes à découvert pour retrouver l'ombre des bois, les racines rampantes des pins qui s'enfoncent dans l'humus et forcent la roche à certains endroits. Je suis ici pour l'éternité. » p92

[Annette]