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#Roman

L'acuité, la poésie, l'humour, la concision de l'écriture font ici merveille pour donner voix et corps à ces oubliées de l'histoire.

Il n'y aura pas de sang versé

Maryline DESBIOLLES

Il n'y aura pas de sang versé

Ed. Sabine Wespieser - mars 2023
Prix : 18.00 ¤
9782848054780

ENTRE 1868 et 1869, quatre très jeunes femmes convergent vers Lyon pour travailler dans la première branche mécanisée de l'industrie de la soie : « ovalistes », elles garniront les bobines des moulins (ovales) afin de donner au fil grège la torsion nécessaire au tissage.
Rien ne les destinait à se rencontrer, hormis la nécessité de gagner leur vie : Toia est piémontaise, le curé du village l'a recommandée au colporteur chargé de recruter des filles de bonne moralité comme ouvrières non qualifiées. Ne sachant ni lire ni parler le français, elle arrive seule à Lyon en diligence, l'adresse de l'atelier notée sur un papier qu'elle montre à qui pourra l'aider.
Il en va de même pour Rosalie Plantevin, originaire de la Drôme où sévit la maladie du mûrier : elle n'a pas trouvé à s'y employer pour nourrir son enfant, laissé en pension à sa soeur. Marie Maurier, elle, vient de Haute- Savoie, où son père est carrier. Vive, drôle, elle amusera tout le monde, dans son atelier de la Guillotière. La très blonde Clémence Blanc est la seule Lyonnaise du quatuor, que révolte la mort en couches de l'amie avec qui elle partageait un minuscule garni.
Dans une magnifique métaphore autour de la forme ovale - celle du moulin, celle du stade -, Maryline Desbiolles imagine ses quatre personnages en relayeuses se passant le témoin pour une course qui les mènera, non pas à un record, mais à devenir parties prenantes d'un événement d'importance : la première grève de femmes de l'histoire.
C'est en juin 1869 que Philomène Rozan, figure bien réelle que l'autrice met en scène en camarade d'atelier de Clémence, prend la tête du mouvement :
Pour énoncer leurs revendications salariales, demander de meilleures conditions de travail et de logement et poser un préavis de grève, les filles ont recours à un écrivain public. Les maîtres mouliniers font bien sûr la sourde oreille. Elles s'enhardissent pourtant et, pendant quelques jours, le mouvement va s'amplifier. Le livre avance alors au rythme exaltant d'une troupe féminine s'autorisant enfin à cesser de courber l'échine :
Nos quatre relayeuses y apparaissent comme en couleur, dans une foule anonyme en noir et blanc, titubantes dans l'élan de leur propre audace.
La course aura été belle, Philomène Rozan repérée par Marx lui-même pour participer au congrès de l'Association internationale des travailleurs à Bâle, en septembre de cette année 1869. Mais trois hommes iront finalement à sa place, dont Bakounine.