#Roman
Une superbe enquête littéraire.
Pierre Adrian
Hotel Roma
Après s’être lancé sur les traces de l’insaisissable Pier Paolo Pasolini (La piste Pasolini, ed. des Equateurs, 2015), Pierre Adrian glisse à nouveau ses pas dans ceux d’un immense auteur italien, « comme si ce pays et ces gens étaient les seuls, au fond, capables de répondre à [s]es questions ».
Le 18 août 1950, Cesare Pavese met un point final à son journal (publié en 1952 sous le titre Le métier de vivre) : « Plus un mot. Un geste. Je n’écrirai plus. » Une première mort symbolique, celle de l’écrivain, qui préfigure neuf jours plus tard le suicide de l’homme, dans la chambre 49 de l’Hotel Roma à Turin. Celui qui « a donné de la poésie aux hommes », qui « a partagé les peines de beaucoup », laisse un mot d’excuse, une empreinte indélébile dans la littérature italienne, et de nombreuses questions. Que s’est-il passé durant ce dernier été ?
Sans jamais verser dans le recueil de citations, ni l’assommante bibliographie, Pierre Adrian mène avec maestria une enquête littéraire passionnante. Puisant dans les œuvres de Pavese, marchant à sa suite, il trace un « itinéraire mélancolique sur les pas d’un homme défait » que l’on suit avec un vif intérêt tant son portrait est fascinant. Portrait d’un homme marqué par « une soif d’amour jamais étanchée ». Portrait d’un écrivain hanté par le suicide, dont la littérature, intense écriture du réel, « semblait être le journal intime des autres », le journal du bel été, des joies du quotidien, tout en étant hors des modes, hors de tout engagement, « car les morts ne sont d’aucun uniforme ». Portrait, enfin, d’une Italie d’après-guerre qui se dessine au contre-jour d’un poète fondamentalement attaché à sa terre.
Un superbe récit, magnifiquement écrit, qui parvient avec force à être à la fois une belle introduction à l’œuvre magistrale, résolument moderne, de Pavese, et une quête de vérité dans les collines pavesiennes que ses amatrices et amateurs se plairont à retrouver.
[Florian]