#Polar, Policier & thriller
Un petit tour aux Marquises, ça vous tente, non?

Marin LEDUN
Henua
Ah! les Marquises... Comment ne pas être séduit par ces plages sauvages bordées de palmiers, cette jungle luxuriante d'où s'échappent des cris d'oiseaux exotiques, ces coucher de soleil fabuleux sur la lagune et ces aubes naissantes à contempler depuis le col qui surplombe les neuf vallées de Taiohaè? Comment résister à un délicieux kaikai de chèvre au lait de coco, accompagné de beignets de crevette et de riz dégusté dans un petit resto de bord de mer ? A lire les descriptions des paysages dans ce nouveau roman de Marin Ledun, on comprend bien pourquoi Paul Gauguin et Jacques Brel ont succombé au charme de ces îles du Pacifique.
Henua, c'est un voyage, une aventure dépaysante à l'autre bout de la planète. Et ce n'est pas ça non plus. Marin Ledun nous donne à voir l'envers de la carte postale. On est dans un roman noir qui dépeint le quotidien des Marquisiens, très attachés à leurs îles, au retour de leurs traditions piétinées par la colonisation et la christianisation. On nous donne à voir la laideur du tourisme de luxe, la hideur des ultra-riches qui profitent de la misère des locaux et la difficulté de ces derniers à vivre là, à rester debout. C'est petit les Marquises, c'est loin de tout (plus de 1000 kms pour rejoindre Tahiti). Tout le monde se connaît. Chaque Marquisien a rêvé un jour de partir. Mais avec quel argent? Comme il n'y a pas de travail, on trafique. La pêche et l'agriculture ne suffisent pas pour vivre.
C'est dans ce décor que le lecteur plonge à la suite de Tepano Morel dans une enquête délicate sur l'île de Nuku Hiva où tout le monde se connaît. Tous les Marquisiens sont accaparés par les préparatifs de la grande fête du Matavaa, un grand festival des Arts des Marquises qui a lieu tous les douze ans. Tepano est un Demi: sa mère était Marquisienne et son père un Français de métropole. Morel n'est jamais venu aux îles Marquises. Il est né en métropole et sa mère n'est jamais retournée dans ces îles où elle avait une maison, une histoire qu'elle n'a jamais racontée à son fils. Morel débarque de Tahiti.
Il va être secondée dans son enquête sur le meurtre d'une jeune Marquisienne, Paiotoka O'Connor, par le sous-officier Poerava Wong, gendarme polynésienne, une mûtoi farani.
Une enquête très complexe, de nombreuses pistes, pas de preuves. Morel et Wong vont se découvrir au fur et à mesure, apprendre à s'apprécier, se taquiner. Ce qui est vraiment passionnant, c'est le ressenti de Tepano. Il n'aime pas parler de lui, de son histoire. Tout le monde a connu sa mère, sait qui il est, mais lui ne le sait pas. On lui parle en èo ènana parce qu'on le prend pour un Marquisien mais lui ne comprend pas.
Henua est un roman policier ultra réaliste où l'on suit une enquête qui piétine et les ruminations mentales du protagoniste. On découvre petit à petit, à travers l'histoire de chaque personnage d'âge, de condition différentes, exerçant un métier particulier, les éléments importants de la culture et de l'identité marquisienne: le tatouage, la danse, la musique. Tout le monde se connaît ce qui rend difficile de garder un secret, d'avoir un espace à soi.
L'ancrage profondément social et humain de ce dernier polar de Marin Ledun en fait un grand roman policier en forme de critique du colonialisme, du capitalisme à tout-va, de l'exploitation et de l'asservissement du vivant par l'homme.
Remarquable!!!
Et Marin Ledun a accepté notre invitation et sera à La Petite Librairie le mardi 13 mai prochain!!! Youpi, youpi, youpi!!!
[Laure]