Gaston en Normandie

J'avais déjà adoré Pauline à Paris, génial roman-photo sur Joséphine, la grand-mère de l'auteur. Et je n'ai pas été déçue par Gaston en Normandie. Cette fois, c'est le fils de Joséphine, donc le père de l'auteur, qui est la figure centrale du livre. Il serait évidemment réducteur de faire de ce nouveau roman-photo une oeuvre historique et un simple hommage rendu à cette figure de père peu bavard qui confie pour la première fois, en 2015, devant témoins, ses propres souvenirs du D-Day. Il avait 7 ans quand les troupes anglaises ont débarqué à Bayeux où ils habitaient avec ses parents et ses soeurs depuis 1942. Ce nouvel opus autobiographique de Benoît Vidal est tout aussi émouvant et intelligent que le précédent. On ne peut que saluer la finesse des commentaires, la lucidité du narrateur dans l'auto-analyse, la fidélité dans la retranscription des propos tenus par les différents acteurs de cette histoire, l'inventivité et l'ingéniosité dont Benoît Vidal fait preuve dans l'utilisation de ce genre si particulier qu'est le roman-photo. Il illustre les arrière-plans avec des extraits de photos d'archives, des collages, des insertions d'objets, de dessins publicitaires, des cartes d'état-major qui retracent les opérations comme celle, plus que célèbre, dirigée par le général Eisenhower, l'opération Overlord sur les plages de Normandie. Et le talent de l'auteur, c'est d'avoir su agencer ce foisonnement d'images afin qu'il ne masque jamais l'émotion. Elle est là, pudique, tapie dans un cliché sans paroles, un plan rapproché sur Gaston qui se souvient à presque 80 ans et que le lecteur devine submergé par l'émotion provoquée par ce souvenir. C'est beau.

L'ouvrage est aussi bien plus qu'un hommage rendu à cette timide figure paternelle. C'est une vraie réflexion sur l'écriture du souvenir, la recherche de la vérité: "Chacun entend l'histoire qu'il est venu chercher"... Benoît Vidal nous livre des pensées qui sont le fruit de ce long travail de recherche autour du souvenir. Il se fait journaliste, historien, philosophe: "Si la mémoire consiste à associer une émotion et un événement, ce n'est pas l'événement qui crée l'émotion. C'est l'émotion qui donne du sens à l'événement."

Foncez! Vous ne serez pas déçus!!!

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